2017
Papier, bois, ciment, lampe

Dans le cadre de la résidence artistique de Dominique Peysson au sein de l'Espace Jean-Roger Caussimon de Tremblay-en-France, en partenariat avec le Lieu Multiple, l’école de l’ADN et le laboratoire Ebi-Carbios à Poitiers et soutenu par le Département de la Seine-Saint-Denis et la Région Ile-de-France.
ADN en plastiques a été exposé du 5 janvier au 10 mars 2017 pour l’exposition Première Impression, composée de 5 de mes travaux sur l’ADN.

Quatre bio-graphies

Je m’interroge ici sur ce que l’on appelle la dyslexie, trop souvent considérée comme une faiblesse. Les mutations, qui sont à l’origine de notre évolution et de notre capacité à nous adapter à notre environnement, ne sont-elles pas des erreurs de lecture des séquences A, T, G, et C de notre ADN ? La mutation n’est-elle pas une sorte de dyslexie de notre système de reproduction, une dyslexie salvatrice ? Car sans erreurs de lecture, pas d’évolution…

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Les personnes catégorisées comme dyslexiques seraient incapables de lire la succession des lettres ATGC qui constituent leur génome sans produire des erreurs de lecture. Il s’agirait d’erreurs, il est vrai. Mais si l’on considère le long processus de l’évolution, ces erreurs de lecture sont plutôt appelées mutations. Un terme plutôt positif, si les mutations sont d’origine naturelle. En somme, si la nature ne produisait jamais d’artéfacts de lecture, il n’y aurait tout simplement pas d’évolution. Car c’est l’écart spontané à partir d’une position donnée qui permet la démultiplication des possibilités, la résistance aux maladies potentielles et autres difficultés de notre vie à venir. Qui nous dit que ce ne sera pas la dyslexie qui, dans l’avenir, permettra à ceux qui en sont dotés de capacités globalement supérieures à ceux qui n’en bénéficient pas ? Sait-on quelles sont leurs capacités à penser la complexité, par exemple ? À gérer une multiplicité d’informations en même temps et à les mettre en relation? Pourquoi penser la dyslexie comme une disgrâce (nous empêchant à nous de les faire rentrer dans les clous) sans même penser à regarder aussi les bénéfices que cela peut apporter ?

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J’imagine dans ce travail quelle serait la transformation du génome d’une personne, si la nature était dyslexique… Il y a mille et une erreurs de lectures possibles: des confusions entre consonnes (comme par exemple des consonnes sonores (b, d, g, v, j, s) qui sont parfois remplacées par des consonnes sourdes (p, t, k, f, ch, s); Des inversions de lettres, de syllabes, de certains mots ; Des omissions ou des adjonctions de lettres, des substitutions, des contaminations (diriger/giriger, palier/papier), l’éviction de la ponctuation. Et toutes les combinaisons possibles de ces variations autour d’un même texte.

J’ai donc imaginé un livre, qui contiendrait la liste des lettres définissant le génome d’un homme moyen, que j’ai appelé Bernard. Puis j’ai introduit dans cette succession de lettres quelques erreurs de lecture. J’ai fait quatre fois ce petit exercice, à chaque fois avec un type d’erreur différent, et obtenu ainsi quatre livres.

Quatre individus différents donc, tous dérivés de la même personne par mutation génétique. Chacun s’appelle différemment, le nom de Bernard ayant été transformé par des opérations dyslexiques pour donner naissance à Inès Brenard, Hugo Berrard, Paul Barnard et Enzo Dernard. Leurs prénoms sont tous en quatre lettres, comme les quatre lettres ATGC. Une femme pour trois hommes, puisqu’il y a trois fois plus de garçons que de filles dyslexiques.

Au final, le génome d’origine, notre individu moyen, n’apparaît plus. Seule une reconstruction par comparaison entre les quatre texte-génomes permettrait d’y revenir… De même que le nom de Bertrand.

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